Automedias et co-design gilets jaunes.

Analyse du collectif : L’Histoire des Gilets Jaunes par nous.

Automedias et co-design gilets jaunes. Analyse du collectif : L’Histoire des Gilets Jaunes par nous.

1. Mouvement virtuel ou réel ?
2. Traitement esthétique des vidéos, source et propriété d’usages.
3. Méthode de travail du collectif L’Histoire des Gilets Jaunes par nous.
4. La narration prend le point de vue de qui ?
5. Source littéraire, participations et co-design ?
6. Qui sont les protagonistes dans l’Histoire des Gilets Jaunes par nous ?
7. L’International et les gilets jaunes ?
8. Pourquoi le détournement de Matrix ?
9. Et maintenant, on fait quoi ?

1. MOUVEMENT VIRTUEL OU RÉEL ?

Le mouvement Gj se forme sur la plateforme Facebook avec 1500 groupes qui se structurent par département ou groupe de communes, suivis du qualificatif “en colère” (Colère 46 ; La France en Colère). Comme le printemps arabe en 2011, le mouvement social des Gilets Jaunes explose grâce a une coordination virtuelle.

"La prise de la rue est le passage du virtuel au réel. Ce passage, c’est la création d’une communauté de lutte."

Aujourd’hui, l’enjeux des plateformes numériques est d’anticiper le mouvement social et de le figer avant qu’il ne prenne de l’élan. "Nos mouvements peuvent être canalisés et maintenus à l’état virtuel, sur le terrain des réseaux sociaux, chasse gardée des administrateurs, dans les eaux glacées des algorithmes".

Les algorithmes ont un rôle ambivalent vis-à-vis du mouvement social. Paradoxalement, c’est grâce à l’algorithme de proximité sur Facebook que les groupes Gilets Jaunes se sont formés sur des bases locales. En novembre 2019 l’État iranien a volontairement coupé le réseau internet pour mieux contrôler le soulèvement insurrectionnel de 100 villes et villages. Cependant, un algorithme bien travaillé et régulé pourrait se révéler bien plus efficace qu’une coupure internet généralisée de par sa discrétion et sa capacité d’essoufflement progressif par la technique du shadow banning. La participation virtuelle militante est symptomatique de notre participation à la politique électorale, où l’on se fait croire que voter, liker et cliquer sont actes politiques.

Le virtuel est un outil qui peut nous éloigner de nos possibilités d’action sur le réel, comme nous permettre d’agir de manière plus coordonnée et stratégique. Notre travail est de faire vivre la lutte dans le champ de la vie, pour amener l’énergie de contestation à opérer un changement pour et contre l’existant.

2. TRAITEMENT ESTHÉTIQUE DES VIDÉOS, SOURCES ET PROPRIÉTÉS D’USAGES.

Les images archivées proviennent principalement des flux vidéos de Youtube et Facebook. Ce sont des vidéos escamotées, re-partagées, qui ont été appropriées et diffusées par le mouvement. Dans la version présente, nous référençons tout.e.s les vidéastes par ordre d’apparition. Pour n’en citer qu’un ici, nous pouvons évoquer Julien Rogue qui a filmé un échange magnifique aux rond point du Manosque.

“Je te réponds, on affronte aujourd’hui, et même avec perte et fracas, et ça a été voté par le peuple du rond point… C’est pas mon égo qui par là… là aujourd’hui, on affronte !“

Les outils numériques sont facilement appropriables. L’abondance des représentations filmiques prolifèrent dans les réseaux des pages Facebook personnelles. L’algorithme promeut la vidéo d’un tel parce que il est en lien avec un autre nœud de réseaux, un groupe (club de sport ; groupe entraide ; groupes d’anciens élèves...). Les vidéos touchent des gens avec qui on a déjà des liens sociaux ou avec qui on en renoue.

Ce qui est fort quand on regarde les vidéos de Gilets Jaunes avant le mouvement, c’est qu’ils filment déjà leurs vies, leurs famille, le travail, les week-ends, les fêtes de village... Certains se spécialisent, apparaissent avec un logo GJ fait maison, rejoignent des collectifs de diffusion et se revendiquent auto-médias. On est témoins de la transformation de leur intérêt pour la documentation du mouvement et la transformation de leur vie individuelle. On a pensé à faire un film centré sur ce sujet, mais on a préféré désindividualiser les vidéastes et voir les vidéos comme des propriétés communes, composante d’un système de représentation collective. Outre les archives récupérées directement sur les réseaux sociaux, d’autres images ont été collectées via des appels à contribution sur les réseaux sociaux, par tracts et mailing list.

On s’est appuyé sur des images de médias régionaux, des images de culture populaire, des fragments cinématographiques (Asterix ; Star wars ; Les Ouvriers vont au Paradis ; X-men ; Orange is the new black…). Des Gilets Jaunes ont réalisés plusieurs vidéos en détournant des images d’évasion de prison. Ces images répondent à la problématique du manque d’images de l’intérieur des prisons, mais aussi au besoin de faire le buzz avec des images qui pètent. Tout est détournable, ce qui compte c’est le nouveau sens politique qu’on donne aux images. Les humains ne sont pas des automates. L’image n’est pas une monnaie d’échange qui rentabilise des plateformes : les images créent du lien social. Les vidéos d’archive Gilets Jaunes sont des nœuds de "conservation et circulation" de socialisation à la rupture révolutionnaire.

Nombre d’entre eux sont allés en prison à cause de la diffusions de vidéos compromettantes. L’auto-surveillance par le mouvement sur les plateformes numériques cause un risque d’individualisation de la répression si des personnes sont identifiées sur les vidéos par des enquêteurs de police. Paradoxalement, c’est aussi grâce à la diffusion de vidéos que les pratiques se reproduisent ailleurs dans le pays et que des transferts se font avec les mouvements sociaux étrangers.

Il faut prendre conscience que la vidéo est une arme, et toute arme doit être pensée de manière critique et collective.

La valeur d’une image est d’être re-partageable, la prolifération des vidéos s’accompagne de compression continue : plus une vidéo est partagée, plus elle perd en qualité. Hito Steyerl défend que plus une image est de pauvre qualité, plus elle est d’une importance politique, car la réduction en taille (megaoctet) permet à la vidéo d’être diffusée plus largement et rapidement. Nous avons voulu partager la pratique du floutage comme pratique indissociable d’un film qui se pense "faire mouvement". On a flouté les gens qui semblent être filmés à leur insu, ce qui change d’autant plus le rapport qualitatif de l’image, compresser et flouter. Les images sont à l’esthétique d’un mouvement qui s’étend et se défend.

3. MÉTHODE DE TRAVAIL DU COLLECTIF L’HISTOIRE DES GILETS JAUNES
PAR NOUS.

Les vidéos ont été archivées, jour par jour, dans 365 dossiers différents, du 17 novembre 2018 au 17 novembre 2019. Elles ont aussi été triées géographiquement par ronds-points, (plus de 400 localités recensées) et thématiquement (convergence syndicale ; défense juridique ; clip de musique… plus d’une centaine de catégories très aléatoires).

Pour ce faire, on a tapé "Gilets Jaunes + nom de département" sur internet, nous avons consulté les journaux locaux et régionaux, noté tous les points de blocages des departements. Puis nous avons cherché tous les noms de blocage avec d’autres mots clés (ex : assemblée ; rond point ; manifestation ; expulsion ; cabane ; etc) dans les moteurs de recherche de Youtube, Facebook et Twitter. Nous avons ensuite affiné les recherches par date et durée pour diversifier les trouvailles. Sur Facebook, nous pouvons retrouver des comptes persos affiliés à des groupes locaux d’organisation, véritable mine d’or d’archives Gilets Jaunes. On télécharge, on re-titre et on les archive dans les dossiers. Au début, nous voulions réaliser un méta récit non linéaire et interactif : 2000 amorces de récits différentes devaient partir de 2000 points de blocages différents. Nous voulions exposer la diversité des histoires, mais surtout étudier les points de jonction entre différents récits subjectifs. Réaliser une carte interactive où l’on navigue dans le mouvement et découvre ses multiples composantes, formes et trajectoires de groupes Gilets Jaunes qui se recroisent à des moments stratégiques dans des manifs régionale, blocages de raffineries ou assemblées des assemblées.

Dans l’écriture du récit, qu’il soit linéaire ou non, il faut faire des choix et les choix relèvent des concepts que l’on veut articuler. Nous avons finalement laissé ce projet de côté pour nous concentrer sur un format long métrage linéaire, tout en conservant l’intention de montrer les jonctions et formes micropolitiques transformatives du mouvement.

Dans le processus de réalisation, il y a des temps où le récit a été travaillé indépendamment des archives et où les archives ont été triées indépendamment de l’écriture du récit. Mais au moment de passer au montage, des problématiques de rythme et fluidité défont la logique que nous nous étions scriptés, et le montage crée de nouvelles associations d’idées. Il faut constamment réécrire le récit pour s’adapter aux archives et trouver de nouvelles archives pour rattraper le processus d’écriture.

En parallèle, on s’est invité chez des GJ et on a projeté le film en version “non définitive”. On leur a demandé de nous décrire leur ressenti par rapport au traitement des séquences : ce jour-là, comment tu te sentais, c’était quoi ton rapport au mouvement, c’était quoi les enjeux, les priorités ? Est- ce que les analyses te paraissent justes ? Comment tu nuancerais ?

4. POINTS DE VUE DE LA VOIX NARRATIVE

Au début, notre intention était de partager une expérience révolutionnaire 2018/2019 aux internationaux révolutionnaires de tous pays.

Nous avons visionné La Bataille de Chile (1975 ; 1977 et 1979), poignante trilogie de Patricio Guzmàn et ça nous a inspiré. Nous nous sommes rendus compte que la forme chronologique s’appliquait parfaitement aux Gilets Jaunes. Tous les jours, le mouvement redoute l’essoufflement et la division. On a jamais assez de recul sur hier, et on appréhende beaucoup la journée de demain. Pour nous, être Gilet Jaune, c’est s’identifier aux rapports de force qui changent, qu’ils soient en notre faveur ou en celle du pouvoir. Faire mouvement, c’est participer à étendre le mouvement et le défendre. C’est ce point de vue que nous pensons avoir interprété dans l’écriture de la narration. Nombre de militants ayant l’expérience de plusieurs mouvements sociaux nous ont donné leur point de vue et nous ont aidé à prendre du recul, mais le collectif de réalisation qui a fait les synthèses des écritures et le montage des vidéos n’ont que le mouvement Gilets Jaune comme expérience de mouvement social révolutionnaire.

5. SOURCES LITTÉRAIRES, PARTICIPATION ET CO-DESIGN ?

Nous avons emprunté plusieurs idée du livre du Collectif Aouh Aouh, La révolte des gilets jaunes : histoire d’une lutte de classes. (2020)

Sa 4ème de couverture indique : "Entre novembre 2018 et le printemps 2019, les Gilets jaunes ont semblé défier, en même temps que le pouvoir, l’analyse. Après avoir participé à la lutte et recensé de nombreux articles de presse locale, le collectif Ahou ahou ahou livre une histoire de ce mouvement hors normes. Des blocages aux émeutes, des occupations de ronds-points aux assemblées populaires, des appels à l’unité avec les forces de l’ordre au combat contre la répression... Alors que chaque séquence de lutte a semblé effacer la précédente, on en retrace ici l’enchaînement. Surgie et demeurée en dehors des cadres des forces politiques classiques, que nous dit cette révolte en gilet jaune du cours de la lutte des classes ? Quels sont les mouvements contradictoires qui l’ont agitée ? Quels débordements de l’ordre social laisse-t-elle entrevoir ?"

L’analyse de la composante travailliste du mouvement avec les débrayages d’usines de janvier 2019 nous a amené à une réflexion pragmatique sur des réalités qu’engendrent les tentatives de blocages économiques : "Grâce à nos expériences sur le terrain, nous découvrons qu’en bloquant un supermarché, nous n’attaquons pas seulement l’État et le capitalisme, mais aussi les employés qui dépendent de leur travail. Nous découvrons que dans le tort que nous causons à l’économie, nous mettons en danger nos propres conditions de vie." Se défaire de ce chantage, c’est accepter de mettre nos vies en danger, détruire les moyens de production, c’est sauter dans l’inconnu, faire la révolution c’est se défaire du travail comme condition d’existence. "Mais oserons-nous ?"

D’autres sources littéraires nous ont également aidé à comprendre le mouvement et comment l’analyser. Nous citerons ici : Mirasol, Soulèvement. (2020). "L’ordre social est précaire, les États se bunkérisent, la crise sociale s’approfondit. Où en est la révolution ? Le livre est découpé en trois partie. Dans la 1ère on se replonge dans le mouvement “Gilet Jaune“, pour en chercher le souffle. La 2nde parle de la crise des démocraties à l’heure des algorithmes, de l’impasse de l’aspiration à devenir l’État. Mais alors, que faire ? Et bien, la révolution, pardi ! Pour, enfin, changer la vie, qu’elle soit belle, qu’on vive bien. Comment ? La 3ème partie propose de prendre cette question au
sérieux, de parler insurrection, fin du capitalisme."

https://acta.zone/
Analyses du mouvement entre le 16 mars 2019 et le 17 novembre 2019.

Robert Bibeau, Khider Mesloub, Autopsie du mouvement gilets jaunes (2019).
Analyse de la manipulation du grand débat de la part de l’État pour faire croire que la revendication anti-taxe équivaut à une demande de baisse des services publics.

Maxime Peillon, Cœur de boxeur, (2019)
Le livre nous a aidé à comprendre des réalités générales sur le mouvement ainsi que des vérités sur la vie de Christophe Dettinger.

Je ne pensais pas prendre du ferme, (2021) Once récits recueillis par Pierre E. Et Guérinet et Pierre Bonneau.

Maelle, (17 Nov 2021) Gilets Geôles, la série en quatre épisodes
https://radioparleur.net/2021/11/17/gilets-geoles-la-serie-gilets-jaunes-prison/

Beaucoup de Gilets Jaunes ont participé indirectement au design du film et la plupart sans le savoir. On ne peut pas dire que cela soit participatif ou démocratique, mais les sources sont transparentes. Nous pouvons dire que le film est auto-organisé par des acteurs du mouvement qui ne se soucient pas de la notion de droit d’auteur, ne légitiment ni les institutions, ni l’État, ni les plateformes comme des garants de la propriété matérielle ou virtuelle.

Bien que la charge de travail se soit retrouvée sur une personne en particulier, nous avons choisi de signer le film avec une signature anonyme et collective, "Collectif L’Histoire des Gilets Jaunes par nous", suivi du collectif de participation avec les pseudonymes fictif des quarantaines de participant.es par ordre alphabétique.

6. IL Y A T’IL DES PROTAGONISTES DANS L’HISTOIRE DES GILETS JAUNES
PAR NOUS ?

On voulait sortir du schéma documentaire traditionnel, où un protagoniste individualisé fait face à des problématiques et se transforme grâce au mouvement. Dans une vision historique, on se minimise en tant qu’individus. Pour nous, le mouvement est le protagoniste et si des individus sont mentionnés c’est uniquement dans le but d’expliquer des réalités micropolitiques du mouvement qui ne sont explicables qu’avec des exemples concrets.

L’arrestation d’Éric Drouet est, par exemple, un événement pertinent pour expliquer comment l’État individualise la répression au travers d’un personnage. La répression fait boule de neige et paralyse le discours révolutionnaire porté par le reste du mouvement. Cela incite les autres portes-paroles à se soumettre à la reproduction d’un discours à tendance dissociative qui appelle au calme, au pacifisme et parfois même à arrêter les manifestations et blocages.

Le personnage de Benjamin Cauchy a fait plus d’apparitions que Castaner, Macron et Edouard Philippe à la télévision, “33 apparitions rien que sur BFMTV !" Ce personnage a été créé préventivement par la machine médiatico-capitaliste pour servir de récupérateur politique. Benjamin Cauchy est un militant d’extrême droite, une vraie caricature du populisme à la Dupont Aignan. Les médias tentent d’infiltrer ce genre de vermine dans nos mouvements, des personnages grâce à qui le système démocratique électoral tient en équilibre.

Christophe Dettinger est le personnage du film qui apparaît le plus longuement à l’écran. Les événements qui structurent son récit permettent de parler de sujets comme l’injustice de classe et l’exécution des peines ; l’organisation collective des paiement de frais judiciaires interdite ; la hiérarchie de la parole en démocratie ; la vidéo live comme moyen technique de diffusion de discours authentiques ; la force et l’honneur comme valeur du mouvement ; la question de la légitimité de la riposte... C’est sur ce dernier thème que Christophe est dépeint qualitativement en héros.

"Nous avons une figure symbolique qui peut nous représenter et nous défendre face au conflit d’intérêt entre la population et la classe dirigeante. Dans tout le pays, les conditions sont réunies pour que chacun sente que le degré de violence par lequel nous nous défendons peut être légitimement proportionnel à celui que nous subissons."

Dans un interview, Macron répond à une question au sujet de la vidéo que Christophe a publié : "Le boxeur, la vidéo qu’il fait avant de se rendre, il a été briefé par un avocat d’extrême-gauche. Ça se voit ! Le type, il n’a pas les mots d’un Gitan. Il n’a pas les mots d’un boxeur gitan."

Ses mots démontrent du complotisme pointant du doigt l’influence extérieure d’un avocat d’extrême-gauche. Pourtant, ses mots sont les siens, et quand on les entend c’est évident que ce sont ses mots à lui. La seule influence était sa conjointe qui filmait la scène.

Les mots “boxeur gitan” démontrent un préjugé d’origine de classe et de race qui tentent de rabaisser l’expression de Dettinger à ceux des "gens qui ne sont rien", à un corps de brute, un avatar de violence. Macron défend que la parole doit être hiérarchisée : la parole est légitime si la personne est élue démocratiquement ou si elle est riche.

"Les mots de Dettinger sont pourtant allés droit au cœur de nombreux Gilets Jaunes. Des milliers de lettres de soutien sont envoyées à sa famille, la famille répond à toutes les lettres. Tous les messages se terminent par les mots “force et honneur”.

7. L’INTERNATIONAL ET LES GILETS JAUNES ?

La première séquence internationale correspond aux dates du 17 novembre 2018 à janvier 2019. "Alors que le Burkina Faso, le Soudan et le Zimbabwe manifestent contre le coût du carburant sans le symbole du gilet jaune, en Irak une nouvelle vague de manifestations anti-corruption recupère le symbole du gilet jaune pour relancer leur lutte." La narration fait la liste d’une quinzaine de pays qui agitent le chasuble. Puis, "en Égypte, les douaniers saisisent tous les gilets jaunes qui entrent dans le pays et interdit leur vente. En Tunisie, un homme est arrêté pour possession de 50 000 gilets jaunes".

"Comme lors du printemps arabe en 2011, les manifestations éclatent par grappes. Les activistes s’imitent les uns les autres. Ils réagissent aux même problèmes sociétaux qui se chevauchent dans le monde." Pour contrer la potentielle insurrection mondiale, les médias internationaux présentent le gilet comme un symbole anti écolo facho. Ils amalgament cause et raison : la cause est peut être une écotaxe sur le fuel, mais ce n’est que la goutte qui fait déborder le vase. La véritable raison du mouvement est l’injustice sociale, et celle-ci est bien planétaire."

La deuxième séquence internationale fait référence aux soulèvement en Algérie et en Haïti en février 2019. "Macron soutient Bouteflika, les Algériens soutiennent les Gilets Jaunes".

"Nous apprenons que la répression est une économie, les armes utilisées contre nous sont vendues à l’étranger et même a des pays anciennement colonisés. Le capitalisme de sécurité hégémonise des intérêts impérialistes et financiers, la répression des luttes s’inscrit dans un business mondial de la sécurité."

La troisième séquence internationale c’est l’été 2019 jusqu’au mois d’octobre 2019. Il y a eu une escalade de soulèvements que le film expose chronologiquement, jusqu’au 15 novembre 2019 en Iran. On ne parlera pas de la Colombie qui se soulève le 19 novembre 2019 parce que c’est après la fin du film qui s’arrête le 17 novembre 2019 sur l’anniversaire des GJ.

Lorsque l’on parle de Hong Kong en juin 2019 c’est pour parler des pratiques de lutte et des transferts de pratiques collectives. Mis à part Hong Kong, la majorité des luttes citées sont en résistance contre la baisse de pouvoir d’achat et la corruption politique, donc ce sont clairement des soulèvement prolétariens qui se soulèvent face au néolibéralisme et aux conséquences que celui-ci a sur leurs vies. Mais ça, on ne le dit pas.

Il est vrai que l’on détourne les images internationales de leur sens particulier local. Il n’y a jamais un seul fil explicatif, mais les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets. Pendant le mouvement, nous n’avions pas le temps de comprendre la différence entre le soulèvement du Liban, de la Guinée ou de la Catalogne… Nous n’avions pas le temps de comprendre les soulèvements internationaux dans leurs singularités, mais nous avions le temps en revanche de ressentir une énergie.

Le sillage d’un mouvement est une entame, une brèche qui peut ouvrir la voie. Combien de fois avons nous entendu la phrase, "quand ça pétera vraiment, je vais y aller" ? Cette phrase s’applique vraiment. Les mouvements sociaux sont des pôles d’attractions, “tout le monde en parle, pour en être ou pour en craindre.”

8. POURQUOI LE DÉTOURNEMENT DE MATRIX ?

Le film ouvre avec les phrases de fin de Matrix (1999) : "Je sais que vous êtes là, je sais que vous avez peur, vous avez peur de nous, vous avez peur du changement. Je ne connais pas l’avenir. Je ne suis pas venu vous dire comment tout ça finira. Je suis venu vous dire comment ça va commencer…" Le film était censé sortir en même temps que Matrix 4, et nous voulions surfer sur le buzz du film en détournant des affiches et en produisant des "memes" (culture Web du détournement). Faire de l’image de Trinity un leitmotiv artistique est un simple choix de marchéage qui distingue le film de la douzaine d’autres films Gilets Jaunes dont les affiches se ressemblent toutes. Les films de Matrix peuvent éveiller des sentiments contestataires, mais la révolution anticapitaliste millénaire n’est pas née de la version de The Matrix (1999) et ne viendra encore moins de Matrix Resurrections (2021). La version de 2021 porte une critique commerciale et nihiliste sur la condition humaine, le film montre la capacité des gens à baisser les bras face à la machine capitaliste industrielle. Pour caricaturer nous pourrions dire que la morale de l’histoire est que la révolution ne serait pas possible : il ne nous reste alors plus que le réformisme, le compromis, le virtuelle, l’abandon...

Mais penser que c’est notre film sur les Gj qui va réveiller les masses est une pire illusion. Nous défendons l’idée que c’est juste au mouvement révolutionnaire de poursuivre sa trajectoire et de se dépasser toujours plus loin, pour changer le cours de l’histoire.

"Nous allons arrêter ce film et vous allez voir un monde où le mouvement ne s’arrête jamais".

Au travers du film, l’identité de la voix narrative porte des ambiguïtés, parfois on parle d’un "ils", d’un "on" et defois d’un "nous". Tout le monde peut se retrouver dans un "on", l’indéfinition du pronom renforce l’opacité et la diversité des individus dans un tout, dans un bloc qui ne se divise pas et avance masqué derrière des parapluies.

On a reformulé la phrase de fin de Matrix (1999) qui s’adresse aux spectateurs aux "vous", la transformant en "ce que nous en ferons ne dépendra que de nous". A la fin du film on s’adresse maintenant à un "nous" avec qui on a partagé une expérience d’identification collective.

Ce n’est pas le fait de partager les mêmes conditions d’existence qui font de nous des prolétaires, mais c’est de se retrouver en lutte contre ces conditions d’existence. Il ne faut pas séparer le mouvement de son organisation. C’est dans ces passages que l’on passe du "on" au "nous" parce que le "nous" signifie un ensemble organisé qui se constitue en tant que sujet révolutionnaire.

9. ET MAINTENANT, ON FAIT QUOI ?

Nous diffusons le film dans des squats, bars associatifs, etc. À Toulouse, nous avons rassemblé 200 personnes pour une projection dans le cadre d’une soirée soutient pour des incarcérés Gilets Jaunes. Nous avons organisé des projections à Minerve, Bezier, Pezenas, Montpellier, Rennes, St George de Lucenson, Marciac le Vallon… Puis nous avons rejoint un crew, La petite école gilets jaunes. Nous diffusons le film avec une conférence "Des Sans culotes aux GJ", un débat, concert de reggae et cumbia. On est passé à Macon, Caen, Saint-Lo, Le Mans, Cahors... et on organise une autre tournée pour le printemps prochain. Contactez nous !

Sur un coup de tête nous avons publié le film sur l’hébergeur vidéo de Facebook sur la page Toulouse en lutte après les résultats du second tour des élections présidentielles. On comptait 15 000 vues virtuelles. C’est un acte de communication qui a fait parler du projet et permet de récolter des contributions plus larges. Le film a été supprimé par Facebook et maintenant on le stream sur des plateformes a droite à gauche. Si il est supprimé, on le remet ailleurs. Pour trouver un liens qui marche, direction le blog : https://yellowveststories.noblogs.org/

Soulignons quand même qu’il est rare qu’un spectateur internaute réponde à notre appel à contribution sur le blog. Si nous recevons des contributions par mails et messages vocaux sur les plateformes numériques, c’est systématiquement grâce à des personnes rencontrées sur le chemin. Ce qui prouve bien que ce n’est pas les interfaces virtuelles, mais bien la communauté de lutte qu’on construit qui oriente la réalisation du projet.

Collectif de Réalisation
L’HISTOIRE DES GILETS JAUNES par nous
@gj_par_nous (Twitter)
yellowveststories.noblogs.org
contact-yellowvest@riseup.net

1 https://seumrevolution.noblogs.org/

2 Julien Rogue, REPORTAGE #yellowvests - Affrontements forces de l’ordre sur le rond-point de l’A51 (7/01/2019)

3 André Gunthert, L’image partagée : la photographie numérique (2015)

4 https://vimeo.com/88484604

5 Hito Steyerl, In Defense of the Poor Image, Issue #10, November (2009)
https://www.e-flux.com/journal/10/61362/in-defense-of-the-poor-image/

6 https://www.facebook.com/Lesrondspointsdesgiletsjaunes/

7 Appel à Projet : Les 2001 Histoires des Gilets Jaunes (2021)
https://yellowveststories.noblogs.org/post/2021/11/25/appel-a-projet-les-histoires-des-gilets-jaunes/

8 Le film pilote en libre accès sur Facebook à partager dans tous les groupes et pages.
https://www.facebook.com/ToulouseEnLuttes/videos/762948308015164

9 https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Bataille_du_Chili

10 https://seumrevolution.noblogs.org/

11 https://acta.zone/?s=gilets+jaunes+

12 L’irrésistible ascension médiatique de Benjamin Cauchy par Jean Pérès, jeudi 20 décembre 2018
https://www.acrimed.org/L-irresistible-ascension-mediatique-de-Benjamin#nb11

13 https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/cotes-d-armor/gilets-jaunes-enquet
e-ouverte-contre-cagnotte-soutien-1627479.html

14 https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9roulement_du_mouvement_des_Gilets_jaunes

15 Gilets jaunes : la parole déclassée de Christophe Dettinger
https://www.liberation.fr/debats/2019/02/13/gilets-jaunes-la-parole-declassee-de-christophe-dettinger_1708945/

16 Maxime Peillon, Cœur de boxeur, (2019)

17 Pancarte vue à Alger

18 https://seumrevolution.noblogs.org/

19 https://www.facebook.com/ToulouseEnLuttes/

20 https://yellowveststories.noblogs.org/post/2021/11/22/liste-besoin-archive-photo-videos