"Delta, Charlie, Delta"

La relaxe programmée des policiers responsables de la mort de Zyed Benna et Bouna Traore

Angles Morts (Collectif) - 15 octobre 2021

Un procès tenu dix ans après une course-poursuite qui se solda par la mort des deux premiers, les blessures irréversibles du troisième, et par plusieurs semaines de révoltes dans tout le pays. Un procès conçu dès le départ comme celui de « l’apaisement », avec à la sortie une conviction : si la mort de Zyed et Bouna n’avait pas été suivie par les révoltes de novembre 2005, le procès n’aurait pas eu lieu.

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« On est seuls au monde contre cette race immonde
J’généralise parce que vous l’faites et j’me fous d’vous offenser
La traite des nègres est gravée à jamais dans mes pensées
C’est pas qu’j’suis rancunier mais ne m’dis pas qu’j’ai tort
Après avoir rangé les négriers, ils lâchent les porcs »
Mo’Vez Lang, « C’est ça gars », 1999

« J’ai peur car l’un d’eux touche au cache de son pouchka à karlouche
Et me shoote de sa shoes si j’ouvre ma bouche [...]
Mes frères sont guettés l’été comme l’hiver
Traités comme s’ils n’ont ni père ni mère
Pour tout faut un permis tout ce qui pour moi est naturel m’est interdit
Monsieur l’agent est un danger pour toi
Monsieur l’agent veut tout savoir : où ? quand ? et pourquoi ?
Danger… Voici monsieur l’agent »
Hifi, « Mr. l’agent », 2003

Une salle difficilement accessible, plus de 80 journalistes, des syndicalistes policiers venus soutenir leurs collègues. Et pour les familles et les proches de Zyed Benna, Bouna Traoré et Muhittin Altun, une semaine de souffrance. Un procès tenu dix ans après une course-poursuite qui se solda par la mort des deux premiers, les blessures irréversibles du troisième, et par plusieurs semaines de révoltes dans tout le pays. Un procès conçu dès le départ comme celui de « l’apaisement », avec à la sortie une conviction : si la mort de Zyed et Bouna n’avait pas été suivie par les révoltes de novembre 2005, le procès n’aurait pas eu lieu. La liste effarante des morts survenues lors de courses-poursuites avec la police et qui n’ont eu aucune suite judiciaire en témoigne [1]. Un procès, histoire de dire que justice a été rendue. Un procès pour établir l’innocence des policiers, et par là établir l’illégitimité des révoltes. Un procès politique, donc, destiné à clore l’épisode des révoltes, à affirmer leur caractère irrationnel en suggérant que Zyed et Bouna sont les seuls responsables de leur mort.
À aucun moment de ce procès n’a été conçue la possibilité que les policiers mis en examen soient condamnés. Ces dernières années, nous avons vu d’autres affaires être ouvertes suite à une interpellation conduisant à la mort.

Or même lorsque la responsabilité des policiers dans ces décès était plus évidente et directe qu’à Clichy, les tribunaux n’ont que rarement condamné. Et quand ils l’ont fait, ce fut pour prononcer des peines symboliques, comme le rappellent le jugement des policiers qui ont étouffé Abdelhakim Ajimi à Grasse en 2008 devant une dizaine de témoins [2], et le jugement du policier responsable de la mort de Lakhamy et Moushin à Villiers-le-Bel en 2007 [3].

Un procès ? Une mise en scène : examen des personnalités, longues écoutes et retranscriptions des communications radio de la police, expertises, le tout orchestré par un président à la réputation d’homme impartial et mesuré. Tout a été fait pour donner une image irréprochable et équilibrée du fonctionnement de la justice. Se concentrer sur les aspects techniques de ces deux morts, en parler avec la froide distance de l’« objectivité » pour transformer une chasse à l’homme en un fait divers tragique. La procureure aura donné le ton du procès à travers ces quelques mots : « Le droit sera dit en toute objectivité, loin du cri du peuple. »

SCÈNES DE CHASSE : CLICHY-SOUS-BOIS, 27 OCTOBRE 2005
Avant d’entrer plus en détail dans le compte-rendu du procès, quelques rappels s’imposent sur les événements du 27 octobre 2005. En ce jour tranquille de ramadan, dix adolescents décident de passer leur après-midi à jouer au football. Vêtus de t-shirts et de shorts, ils rejoignent le stade sans leurs papiers d’identité. Une fois le match terminé, peu avant la rupture du jeûne, ils marchent sur le chemin du retour par groupes de deux ou trois. Deux d’entre eux, probablement D.S.F. et Bouna Traoré, auraient alors décidé de pénétrer sur un chantier, rue Jules Vallès à Livry-Gargan, pour y commettre un vol : c’est en tout cas ce qu’a immédiatement pensé la personne qui a jugé bon de les dénoncer en appelant le 17. Stéphanie Klein, qui reçoit l’appel à 17h25, envoie aussitôt en intervention la BAC 833 de Livry-Gargan commandée par Sébastien Maronnier. La voiture est suivie quelques minutes plus tard de TV833, puis de deux autres véhicules qui ont intercepté des communications de la BAC : UPP 833, l’équipage de Sébastien Gaillemin, et GSP 831.

Le bon citoyen à l’origine de l’appel, un agent du funérarium situé à proximité du chantier, déclare avoir vu « un jeune Black avec un survêtement blanc ou bordeaux entrer sur un chantier ». Il ajoutera lors de sa déposition : « Je l’observais de mon bureau. Il faisait le guet près du cabanon du chantier. J’ai vu des silhouettes qui évoluaient près du chantier. Peut-être un Black […] Il n’y avait pas de bruit, mais c’était louche. Au bout d’un moment, j’ai appelé la police depuis mon bureau. Je n’ai pas parlé de cambriolage. À mon avis, ces jeunes voulaient forcer le cabanon. Il y a de nombreux trous dans ce chantier, c’était dangereux pour eux. Une mégane verte est arrivée. Le guet a été interpellé. Je suis parti cinq minutes après. C’est à la radio que j’ai appris. Je me sens écoeuré d’avoir appelé la police. Peut-être ne seraient-ils pas morts ».

Le procès-verbal d’infraction établi par les policiers le jour des faits et l’enquête de l’IGS le confirment : aucun vol n’a été commis sur le chantier. Persuadés qu’ils ont affaire à des délinquants, puisqu’il s’agit de jeunes de Clichy-sous-Bois, Maronnier et son coéquipier interpellent d’abord D.S.F. alors que les autres adolescents prennent la fuite. Au total, cinq équipages se lancent à leur poursuite : Bac 833, TV 833, UPP 833, appartenant au commissariat de Livry-Gargan ; ainsi qu’UPP 831 « Chêne Pointu » et GSP 831, appartenant au commissariat du Raincy. Cinq véhicules donc, transportant au total 14 policiers tous issus des commissariats de deux villes voisines : Livry-Gargan et Le Raincy. La ville de Clichy-sous-Bois, en effet, n’avait plus de commissariat depuis 2003. Les policiers qui débarquent ce jour-là viennent donc de villes sociologiquement différentes, en particulier Le Raincy qui est connue pour être la plus riche du département et la plus à droite politiquement [4]. La chasse est ouverte, en territoire « hostile » ; là où des gamins qui courent deviennent des « individus » présumés coupables et potentiellement dangereux.

Après D.S.F., interpellé en premier près du chantier, trois autres adolescents, A.V., M.M. et B.B., sont arrêtés sur le Chemin des postes, près du bois. Les six autres se dirigent vers le parc Vincent Auriol. Il s’agit de Y.A., H.K., S.C., Zyed, Bouna et Muhittin. Y.A., qui s’est échappé avant d’entrer dans le parc via un complexe sportif, est le seul des dix adolescents à ne pas avoir été interpellé. Les autres adolescents poursuivent leur course : H.K. et S.C. se cachent dans le cimetière. Zyed, Bouna et Muhittin continuent de courir. Ils franchissent un grillage et se retrouvent dans un petit triangle boisé, clos, qui est situé entre le cimetière et le site EDF.
Le policier Sébastien Gaillemin et sa coéquipière Marie Luximon aperçoivent alors « deux silhouettes qui franchissent le grillage [5] ». Gaillemin lance alors un message radio : « Les deux individus sont localisés et sont en train d’enjamber pour aller sur le site EDF ».

Acculés, Zyed, Bouna et Muhittin n’ont en effet qu’une option s’ils veulent échapper aux policiers : entrer dans le site EDF. Gaillemin, de fait, ne prend même pas la peine de s’assurer que les adolescents pénètrent sur le site. Il obtient la confirmation d’un riverain, Emmanuel Vasconscelos, que la seule issue pour les trois adolescents est le site EDF. Il part donc directement en bloquer l’entrée principale, de l’autre côté, et demande des renforts pour « cerner la centrale ». « Oui, dit-il sur la radio, je pense qu’ils sont en train de s’introduire sur le site EDF. Donc il faudrait ramener du monde, qu’on puisse cerner un peu le quartier quoi. Ils vont bien ressortir. » Et quelques secondes plus tard, le policier prononce cette phrase si médiatisée : « En même temps, s’ils entrent ici, je ne donne pas cher de leur peau ».

À la demande de Gaillemin, plusieurs voitures convergent donc vers le site EDF. Craignant d’être attrapés et chargés à tort, Zyed, Bouna et Muhittin escaladent l’enceinte du site et se trouvent au milieu des installations électriques. Tandis que Gaillemin et Luximon courent vers l’entrée principale, leur coéquipier Etienne Gipchtein reste stationné devant la deuxième entrée. Une fois devant le portail principal, Gaillemin monte sur une poubelle puis sur une armoire EDF afin d’observer le site. Ne voyant personne, il décide de ne pas lancer l’alerte ni même, par précaution, de crier pour avertir les adolescents de l’éventuel danger qu’ils encourent. Sa collègue Luximon propose alors d’aller vérifier s’ils ne sont pas ressortis vers le cimetière. Ils y trouvent H.K. et S.C. toujours cachés et apeurés. Sébastien Maronnier reconnaît alors formellement H.K. comme l’un des deux « fuyards » aperçus sur le chantier. « Au cimetière, interpellation de deux individus. Un type africain […]. Un type N.-A. [6] », entend-on dans les communications radio. Les policiers décident donc de mettre un terme à leur intervention et d’emmener les six adolescents interpellés au commissariat.

Un détail mérite d’être souligné à ce stade. L’autre « fuyard » que Maronnier a aperçu sur le chantier n’était pas S.C., mais Bouna. Où se trouve ce dernier ? Les policiers semblent ne pas se poser la question.

À l’intérieur du site EDF, les trois adolescents sont convaincus que les policiers continuent leur chasse. Malgré les panneaux « Stop ! Ne risque pas ta vie ! », ils se réfugient dans la réactance, l’espace le plus dangereux du site. Ce composant électronique est constitué de trois bobinages d’1x1,60m laissés à l’air libre afin de permettre le dégagement de chaleur. Il se trouve dans un local de 20m² encadré par des murs d’une hauteur de 4,60 mètres. On y accède par une porte d’accès de 2,50 mètres, qui est fermée par un cadenas. Les trois adolescents escaladent cette porte et, malgré les espaces réduits, se faufilent derrière les bobinages. À 18h12 et 40 secondes, une décharge électrique de 20 000 volts traverse Zyed et Bouna ; Muhittin s’écroule. La décharge provoque une coupure d’électricité dans toutes les villes voisines pendant 35 secondes. Le commissariat de Livry lui-même se retrouve plongé dans le noir. Muhittin, gravement brûlé, parvient à sortir de la réactance puis du site, et réussit à rejoindre un centre commercial. Il y trouve Siakha Traoré, le frère de Bouna. Ils appellent les pompiers et rejoignent, avec difficultés, la centrale par le bois. Lorsqu’ils se dirigent vers l’entrée principale du site, ils tombent sur Gaillemin et ses hommes. Peu à peu, les proches commencent à se rassembler aux abords de la centrale. Un policier lance alors sur les ondes : « Il y a les grands frères qui viennent foutre le bordel sur le site », avant de demander des renforts aux alentours de 19h00. À 20h02, le décès de Zyed et Bouna est annoncé aux personnes sur place. Des effectifs sont envoyés « en prévention » devant le commissariat de Livry et aux abords du Chêne Pointu. À 20h07, un policier s’alarme sur les ondes : « Attroupements de jeunes suite aux deux Delta Charlie Delta ».

TROIS SEMAINES DE RÉVOLTES, DIX ANS D’ERRANCE JUDICIAIRE
La découverte des corps de Zyed et Bouna, le déploiement sécuritaire immédiat, le mensonge éhonté que le ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, prononce au journal télévisé du soir même devant la France entière, ainsi que le jet d’une grenade lacrymogène par la police sur la mosquée de Clichy-sous-Bois le 30 octobre, sont les déclencheurs de trois semaines de révoltes dans tout le pays. Des révoltes si inquiétantes pour le pouvoir en place qu’elles conduisent le gouvernement à installer un couvre-feu et à décréter l’état d’urgence. Près de 5000 personnes sont arrêtées lors de ces journées ; parmi elles, plusieurs centaines sont condamnées et incarcérées sur le champ [7].

Huit jours après la mort de Zyed et Bouna, une information judiciaire est ouverte. En 2006, un rapport de la police des polices dément les affirmations du ministre de l’Intérieur, confirme la poursuite lancée contre les adolescents et souligne « la légèreté et la distraction surprenantes » des policiers [8]. En 2009, Daniel Merchat, l’avocat des policiers va pour sa part demander la mise en examen de Muhittin pour mise en danger de la vie d’autrui [9].
En 2010, alors que l’information judiciaire est close depuis juillet 2009 et qu’aucune décision n’est prise, Jean-Pierre Mignard, l’avocat des familles de Zyed et Bouna, décide de saisir directement le collège de l’instruction pour obtenir une réponse. Il aura fallu attendre le 21 octobre 2010 pour que deux mises en examen soient prononcées, décision dont le parquet fait immédiatement appel. Le 27 avril 2011, la cour d’appel de Paris prononce un non-lieu, sur lequel la cour de cassation revient le 31 octobre 2012 en demandant la réouverture du dossier à Rennes. Enfin, le 20 septembre 2013, les deux policiers sont renvoyés devant le tribunal correctionnel de Rennes pour non-assistance à personne en danger.

Cette série de volte-face s’explique en partie par des rivalités entre, d’un côté, le parquet, déterminé pendant toutes ces années à éviter des mises en examen aux policiers et, d’un autre côté, la cour de cassation et les juges d’instructions qui estimaient sans doute qu’un procès pouvait s’avérer utile et qu’il était en tous les cas justifié, puisque les policiers n’auraient pas dû quitter la zone avant de s’être assurés de l’absence des jeunes à l’intérieur du site EDF. Elle s’explique également par la détermination de la famille à ne pas laisser les tribunaux balayer leur demande de vérité et de justice par un non-lieu, un non-lieu traduisant brutalement le sens du slogan « morts pour rien ».

Toujours est-il que, durant ces dix années d’errements judiciaires, les policiers n’ont jamais été suspendus et n’ont écopé d’aucune sanction administrative. Au contraire, leur carrière n’a cessé de progresser. Et pour couronner le tout, seules deux mises en examen ont été prononcées sur les cinq demandées par les parties civiles.

RENNES, MARS 2015 : UNE MISE EN SCÈNE JUDICIAIRE
Si, en effet, quinze policiers étaient impliqués dans la poursuite du 27 octobre 2005, seuls Sébastien Gaillemin et Stéphanie Klein comparaissaient, du 16 au 20 mars à la cité judiciaire de Rennes, pour non-assistance à personne en danger. Ils encouraient théoriquement cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. En 2005, Sébastien Gaillemin était le chef de bord du véhicule UPP 833 ; c’est lui qui pilotait les opérations sur le terrain. Stéphanie Klein, stagiaire depuis six mois, était quant à elle opératrice à la station directrice du commissariat de Livry-Gargan. Sa mission consistait à répondre aux appels du 17, répartir les effectifs sur le terrain, gérer le trafic radio entre les véhicules de police en intervention et prévenir les secours en cas d’urgence. Face à eux les familles de Zyed et Bouna, des associations, ainsi que Muhittin. Désormais âgé de 27 ans, il était présent à Rennes en tant que victime et en tant que témoin.

Ce qui était reproché aux policiers lors de ces audiences, c’est de ne pas avoir fait le nécessaire pour porter secours, de ne pas avoir prononcé le mot « urgence » dans les échanges radio, en un mot : d’avoir été indifférents à un danger dont ils étaient parfaitement conscients.

Les policiers étaient défendus par Daniel Merchat, ancien commissaire de police et ancien membre des RG, ainsi que par Philippe Billaud, l’agent judicaire de l’État [10].

Un des aspects de leur stratégie fut dès le premier jour d’appeler deux représentants syndicaux pour louer le professionnalisme de Gaillemin et Klein et expliquer la difficulté du métier de policier dans un département tel que la Seine-Saint-Denis : Nicolas Comte et Loïc Le Couplier, respectivement Secrétaire général du syndicat policier Unité SGP FO et secrétaire général du syndicat Alliance en Seine-Saint-Denis au moment des faits. Nicolas Comte, après un refrain sur les mauvaises conditions de travail et le manque d’effectifs, donnera son explication sur le dispositif disproportionné déployé ce 27 octobre : « Nous parlons d’un département où nous ne savons jamais comment les situations peuvent tourner. Département où les unités d’intervention doivent faire face à différents types d’émeute ». Le Couplier parlera aussi de la Seine-Saint-Denis comme d’un « centre de formation quasi permanent », dans la lignée de Merchat parlant du 93 comme « d’un immense commissariat », où « chaque intervention policière est dangereuse ». C’est cette logique qui explique pourquoi 14 policiers ont été lancés à la poursuite d’une poignée d’adolescents.
La stratégie de défense des prévenus consistait donc à dire que les agents mobilisés le 27 octobre 2005, notamment la stagiaire Klein, manquaient d’expérience, qu’ils ne connaissaient pas les lieux d’intervention et qu’ils ont malgré cela fait tout ce qu’ils ont pu. Mais tout au long du procès, les avocats des policiers ont aussi adopté une stratégie offensive : en fustigeant l’attitude des adolescents qui, nourrissant des fantasmes à l’égard des policiers, auraient dû se laisser interpeller plutôt que de se réfugier au mauvais endroit ; en dénonçant aussi l’attitude des « grands frères », « venus casser les bonbons » après le drame.

Tout, dans cette double stratégie, consistait donc à éviter que ne soient incriminées les pratiques policières employées le 27 octobre et à tant d’autres occasions. En somme, les avocats n’ont pas tant contesté l’accusation que la tenue même du procès. Daniel Merchat n’a ainsi pas hésité à dénoncer les « pensées soupçonnistes » voire « conspirationnistes » des parties civiles, animées selon lui par les « vieilles lunes anarcho-marxistes qui sentent la naphtaline ». Que dire alors de la pensée des magistrats, qui, en 2013, ont jugé bon de renvoyer l’affaire en correctionnelle ? L’agent judiciaire de l’État, Billaud, a fait part de son idée sur la question : « Oui, ces garçons sont morts pour rien. Leur mort est absurde. Il est aussi absurde de faire le procès de l’absurdité ». Plutôt que le procès des policiers, il fallait donc pour la défense faire à la fois le procès de la jeunesse des quartiers, et le procès du procès lui-même.

Et de fait, le procès des policiers n’a pas eu lieu. Tout d’abord, parce que l’accusation a été amputée par la mollesse de l’avocat Jean-Pierre Mignard, qui représentait les familles de Zyed et Bouna. Fin connaisseur des arcanes du système judiciaire, et vieil ami de François Hollande, Mignard est membre du Parti socialiste. Tout au long du procès, sa stratégie aura été celle de la réconciliation, et aura consisté à démontrer que Zyed et Bouna, et plus largement les habitants de Clichy-sous-bois, étaient des « Français comme les autres » ; que même si leurs parents sont venus « d’Afrique » et qu’ils vivaient dans une des villes les plus pauvres de France, ce n’était pas des sauvages : « Répondez à la demande des familles. Prenez-nous en considération pour une fois, écoutez-nous avec notre langage venu d’ailleurs qui a pris les routes de la colonisation française. Regardez-nous. Quand on attend pendant dix ans, qu’on attend de vous, le juge, une réponse. Y a-t-il une meilleure intégration, un meilleur hommage, un plus grand respect pour le pays qui est le leur et le nôtre ? Vous devez condamner et réconcilier. Il faut que les Français sachent, et ce sont des Français, que vous êtes là, dans ce crime moral, pour réparer ».

Cette stratégie paternaliste parle le même langage que celle des avocats de la défense. C’est la langue de la respectabilité, que manipulent des « personnalités » telles que la productrice Fabienne Servan-Schreiber [11] ou le maire de Clichy-sous-Bois, venus dire toute « l’humanité » et « l’intégration » des deux adolescents morts. C’est la langue, aussi, de la réconciliation, que l’avocat des policiers Daniel Merchat a également empruntée en prononçant cette phrase indécente : « La seule chose qui efface le sang et les larmes, c’est le pardon. » Or rien dans les plaidoiries de Mignard ne signalait le moindre désaccord avec cette vision. L’autre axe de la stratégie de Mignard a d’ailleurs consisté à flatter la cour et la défense. Ainsi, à l’adresse du juge et de la procureur il dira :« Nous avons besoin de nous rapprocher. C’est votre tribunal qui a la charge d’une parcelle de notre histoire moderne. Vous avez, vous trois, à nous rendre justice et à nous rapprocher. […] Regardez le nombre de journalistes, la France est en attente. Les miracles peuvent arriver là où les larmes coulent à flots ». Et à l’adresse des policiers il dira : « Vous êtes particulièrement protégés du fait de votre fonction, c’est bien normal. La République peut vous regarder fièrement. Nous vous regardons aussi ». La relaxe prononcée le 18 mai dernier prouve bien l’inefficacité d’une telle démarche.

Dans la division du travail entre Mignard et Tordjman, Mignard avait en charge le côté « politique » de la stratégie de défense. Une stratégie qui s’est arrêtée à mi-chemin, centrée sur la « réconciliation » mais manquant du même coup les véritables questions « politiques ». La question de la peur notamment, qui était omniprésente mais jamais creusée ni évoquée comme le point central de l’affaire. La peur de la police, l’origine de cette peur. Au fond, la mort de Zyed et Bouna aurait pu être expliquée par les pratiques de la police, par son action quotidienne, par les histoires que l’on entend et les scènes auxquelles on assiste. Des scènes de violence policière incrustées dans la rétine, la peur qui s’incruste dans les corps et les esprits, qui conditionne les réflexes à la vue de la police.

La police ne pouvait donc s’inquiéter que des interventions de l’autre avocat des familles, Emmanuel Tordjman, qui avait quant à lui en charge la partie la plus factuelle et technique du dossier. Ses arguments, qui sur le fond avaient déjà été validés par l’arrêt de la cour de Rennes en 2013, n’ont pas été entendus par un tribunal qui, du début jusqu’à la fin, a suivi la stratégie des policiers. À l’annonce du verdict, Mignard a eu cet aveu d’impuissance : « Après dix ans de travail […] Il n’y a rien dans ce jugement, pas une seule ligne, qui ne reprenne la thèse des parties civiles. [12] »

UN PROCÈS D’INTENTIONS
Du 16 au 20 mars, le procès de Rennes a suivi ce plan : examen des personnalités les deux premiers jours ; examen des communications radio les troisième et quatrième jours ; plaidoiries le cinquième. Et, on va le voir, la qualité des accusés a joué un rôle bien plus important que l’établissement des faits. Comme le voulait la défense, le procès n’a donc pas eu lieu. Il s’est articulé autour de deux principales questions, qui du fait même de leur formulation, allaient nécessairement dans le sens de la relaxe .

Première question posée : Gaillemin s’est-il rendu compte, durant la chasse, du danger encouru par Zyed, Bouna et Muhittin ? Une telle question appelle en théorie deux réponses : a) Gaillemin s’est rendu compte du danger ; b) Gaillemin ne s’est pas rendu compte du danger.

Pour déterminer laquelle de ces deux réponses était correcte, plusieurs éléments ont été soulevés. D’une part concernant le site EDF. Une centrale électrique est par définition porteuse de danger pour qui y pénètre. Si Gaillemin savait que les adolescents y pénétraient, il se rendait forcément compte du danger (réponse a). Et au moins deux phrases qu’il a prononcées le 27 octobre 2005 l’incriminent.
Tout d’abord, lorsqu’il dit sur les ondes « les deux individus sont localisés et sont en train d’enjamber pour aller sur le site EDF ». Depuis 2006, Gaillemin a trouvé une façon d’expliquer cette phrase : « sur le site EDF » signifiait pour lui « vers le site EDF ». Gaillemin prétend donc que, pour communiquer avec ses collègues, il utilise des expressions dans un sens tout à fait particulier et qui, en tout état de cause, ne peuvent être comprises que de lui. Et même en admettant que Gaillemin et sa collègue Luximon n’aient pas de certitude sur la question, il reste étonnant que, plutôt que de s’en assurer et, surtout, plutôt que de prévenir les adolescents du danger, ils décident d’aller les chercher de l’autre côté du site en courant à toute vitesse. Là, sur la poubelle, Gaillemin ne voit rien. Le tribunal de Rennes semble en avoir conclu que Gaillemin avait la confirmation que les adolescents n’étaient pas sur le site. Cette interprétation est fallacieuse. Si des enfants se cachent, il est en effet probable de ne pas les voir. En vérité, Gaillemin n’a jamais eu la preuve qu’ils n’étaient pas sur le site. Mais, et c’est sur quoi le tribunal s’est fondé pour le relaxer, il n’a pas eu la preuve non plus qu’ils y étaient. Et c’est précisément cette incertitude que les policiers et leurs avocats ont cherché à préserver : en l’état, il est impossible de se prononcer factuellement sur l’alternative a/Gaillemin s’est rendu compte du danger et b/Gaillemin ne s’est pas rendu compte du danger.

Or une deuxième phrase, plus explicite, incrimine le policier : « S’ils entrent ici, je ne donne pas cher de leur peau ». Cette phrase, que Gaillemin a qualifiée de « maladroite », ne démontre selon lui aucune conscience du risque encouru. Puisqu’il n’avait pas vu les adolescents sur le site, il formulait simplement une hypothèse. Et on touche là au coeur du problème. Dans l’ordonnance de renvoi, le tribunal a refusé de se prêter à l’« analyse sémantique » de cette phrase. Ce qui veut dire qu’il a refusé d’exploiter la seule preuve matérielle à sa disposition pour incriminer Gaillemin, pour pouvoir se prononcer en faveur de la réponse a). Car cette phrase permet à elle seule de prouver que Gaillemin était conscient du danger. Il suffit, pour le comprendre, de rappeler qu’un risque ne se définit pas par la réalisation d’une menace mais par sa possibilité. Si l’hypothèse est formulée par Gaillemin, c’est qu’il est pour lui possible que les adolescents soient sur le site et qu’ils y laissent leur vie : il a donc conscience d’un danger. Et on peut aller plus loin. D’une part, cette hypothèse est nécessairement sérieuse dans l’esprit de Gaillemin : « Oui, je pense qu’ils sont en train de s’introduire sur le site EDF. Donc il faudrait ramener du monde, qu’on puisse cerner un peu le quartier quoi. Ils vont bien ressortir. » Aurait-il demandé des renforts pour « cerner la centrale » si l’éventualité lui paraissait si peu probable ? Et d’autre part, dans la mesure où cette « hypothèse » peut conduire à la mort des adolescents, elle doit être privilégiée sur toutes les autres. Au nom du principe de précaution, de la « déontologie de la police », et au nom de la sécurité. La protection contre les risques est, d’ailleurs, la justification essentielle de la police mais aussi de la justice qui, notamment à travers l’arsenal antiterroriste, crée des délits et punit au nom de choses qui risqueraient de se produire. Et le bon citoyen qui a dénoncé les adolescents sur le chantier s’est aussi justifié en disant : « À mon avis, ces jeunes voulaient forcer le cabanon. Il y a de nombreux trous dans ce chantier, c’était dangereux pour eux. » Il dit bien qu’on punit, qu’on dénonce, pour le bien des jeunes, pour leur survie. Tant de fois dans les tribunaux de France ce principe de précaution aura suffi à enfermer quelqu’un : il n’en aura rien été pour Gaillemin qui, pourtant, avait forcément conscience du danger durant une phase essentielle de la chasse : réponse a).

Pour nuancer l’importance qu’il a accordée à cette « hypothèse », Gaillemin a aussi prétendu que, lors de l’interpellation au cimetière, il avait pensé que H.K. et S.C. étaient les « deux silhouettes » aperçues plus tôt. Or il ne leur a jamais posé la question. Et, rappelons-le, si son collègue Maronnier a reconnu formellement H.K. comme l’un des deux « fuyards » du chantier, l’autre « fuyard » était Bouna, pas S.C.
Deuxième question : Gaillemin et Klein ont-ils tout fait pour prévenir le danger ? La question est en partie conditionnée par la réponse à la première question mais pas entièrement : car même à supposer que Gaillemin n’ait pas eu conscience du risque, ses messages radio pouvaient alerter d’autres personnes. Ainsi cette question invite à en formuler au moins deux autres : pourquoi, jamais au cours de l’intervention, les pompiers ou l’EDF n’ont-ils été prévenus ? Et pourquoi, surtout, jamais Zyed, Bouna et Muhittin n’ont été verbalement alertés du danger par Gaillemin et ses collègues ?
C’est cet aspect qui a été ignoré par le tribunal qui, en épousant le point de vue des policiers, a transformé la question « tout a-t-il été fait pour prévenir le danger ? » en « les policiers ont-ils fait les vérifications nécessaires ? » Gaillemin et Klein ont de fait effectué des vérifications sommaires : le premier depuis sa poubelle, et la seconde depuis son standard lorsqu’elle a demandé confirmation aux agents sur place de ce qu’ils affirmaient dans leurs communications. Le tribunal a ainsi laissé croire que la procédure avait été respectée.

En réalité, la question qui aurait dû être posée concerne la nature des opérations policières entreprises le 27 octobre 2005. Sarkozy demandait alors du chiffre à ses commissariats et tout était fait pour gonfler le nombre d’interpellations. En 2012, l’avocat Tordjman affirmait ainsi que « l’obsession de l’interpellation a pris le dessus sur la protection des enfants [13] ». Cette obsession s’est traduite par une chasse que les policiers ont menée coûte que coûte, au mépris de la vie des adolescents. Pour s’assurer le succès de la manoeuvre, Gaillemin a choisi de rester silencieux. Il a sciemment pris le parti de ne pas prévenir les enfants d’un danger, même éventuel. L’encerclement silencieux du site EDF était une stratégie mortelle, qu’a parfaitement résumée Tordjman à Rennes : « Depuis dix ans, on fait traîner pour ne pas dire aux parents que leurs enfants sont morts du fait d’une infraction pénale commise par deux fonctionnaires ! Il y avait d’autres possibilités : s’approcher du grillage et crier ! C’est l’inverse qui s’est passé ! Et il y a la deuxième étape, Gaillemin a opté pour la surveillance hostile du site. La distance entre le cimetière et l’entrée principale de la centrale est de 312 mètres. Il faut cinq minutes pour parcourir cette distance à pieds. Gaillemin et Luximon n’ont mis qu’1 minute et 24 secondes. Cela signifie qu’ils couraient assez vite, et que concrètement, ils n’ont fait aucune vérification ! La seule direction possible pour les adolescents, c’était d’entrer dans le site EDF. Et quand ils se dirigent vers la sortie, les policiers sont postés devant. Quand Emmanuel Vasconscelos, le riverain, a dit à l’agent Gaillemin qu’il n’y avait pas d’issue au petit terrain en triangle, le policier avait alors la confirmation que la seule issue était le site EDF. Mais Gaillemin veut cerner le quartier et ramener du monde. Il a pris du retard. Il doit se dépêcher. Il se dit qu’ils ont bien dû sortir du site, il lui faut seulement 1 minute 24 pour arriver à l’entrée principale du site ! Il faut les bloquer partout ! Et on a osé prétendre qu’il y a eu vérification ! C’est monsieur Gaillemin qui a fait le guet devant la centrale ! Devant la centrale, ils auraient dû hurler à la mort ! Et faire preuve d’un minimum d’humanité ! Ils auraient dû crier à s’en rompre les cordes vocales ! Mais Gaillemin reste silencieux… »

Et Gaillemin n’est pas le seul. Luximon, à ses côtés durant toute l’opération, n’aura pas non plus crié. Klein, à Livry-Gargan, n’aura pas appelé les secours. Pour sa défense, elle a affirmé que par « site EDF » elle avait compris qu’il s’agissait de simples bureaux. Pourquoi le tribunal n’a-t-il pas vu dans cette excuse une condamnation de Gaillemin et Luximon qui, eux, sur le terrain, savaient de quel type de site EDF il s’agissait ?

Il est évident que les policiers ont fait courir un risque énorme aux adolescents en les poursuivant. Ils sont tous rentrés au commissariat avec leur butin du jour, les six adolescents interpellés. Mais qu’en est-il du doute de Gaillemin ? Est-il réellement certain, en quittant le cimetière vers 17h50, que personne ne se trouve dans la centrale ? Ainsi, lorsque Tordjman lui demande ce qu’il a pensé au moment de la coupure de courant, le policier répond « Je me suis dit, y en a marre de ces locaux et de travailler dans ces conditions ! ». Il ne fait donc pas le lien avec l’encerclement qu’il a opéré plus tôt… Et pourtant, lorsque Muhittin, sérieusement blessé retourne vers le site EDF en compagnie du frère de Bouna, c’est sur Gaillemin et ses hommes qu’il tombe. Le policier serait passé là « de manière fortuite », en partant faire une vérification domiciliaire. Or entre le commissariat et son lieu d’intervention, la route la plus rapide est la Nationale 3 : pourquoi a-t-il choisi de passer par les petites rues qui mènent au site EDF ? Toujours est-il que, selon Gaillemin, c’est en croisant Muhittin qu’il fait le lien entre la chasse qu’il a menée deux heures plus tôt, la panne d’électricité au commissariat, et ces fameuses « silhouettes » qu’il a vu franchir le grillage… Gaillemin a ainsi pu faire valoir que, en quittant Clichy, il était certain qu’il n’y avait plus de danger. Il n’a pourtant ni pensé à le vérifier auprès des prévenus, ni pensé à lancer, à toutes fins utiles, une dernière alerte.

Donc non, tout n’a pas été fait pour prévenir le risque. Mais la cour voulait se limiter à déterminer si Gaillemin ou Klein avaient sciemment laissé les adolescents se réfugier dans un transformateur. Les questions posées lors des audiences, ainsi que l’ordonnance de renvoi, montrent que depuis le début l’objectif du tribunal est de faire en sorte qu’aucune preuve matérielle ne parvienne à incriminer les policiers. À aucun moment les policiers n’ont dû s’expliquer sur les aspects contradictoires de leur démarche ou être confrontés à d’autres policiers. Ainsi, « aucun élément matériel » ne pouvait condamner Gaillemin et Klein. Ce qui situe la vérité du procès dans l’intention des policiers qui elle ne saurait être questionnée. En d’autres termes, on a laissé aux policiers la possibilité de substituer au jugement du tribunal celui de leur conscience : un tel privilège n’est que rarement accordé aux prévenus ordinaires, et encore moins à ceux qui comme, Zyed, Bouna et Muhittin, vivent dans les quartiers populaires.

L’APARTHEID JUDICIAIRE ET SOCIAL
À Rennes, les deux policiers jugés auront surtout dû passer un examen de conscience. Médiatisé dans tout le pays, cet examen était une épreuve d’autant plus difficile à vivre pour les deux policiers qu’ils étaient les seuls à être inculpés pour une chasse dont la responsabilité avait été partagée par d’autres. On a ainsi vu Gaillemin, au coeur de la tourmente, s’effondrer en larmes lors du troisième jour d’audience pour dénoncer son si pénible sort : « Il y avait 14 effectifs présents. Moi, ce qui m’étonne, c’est que lors des auditions, des gens [les policiers] n’entendaient rien, ne voyaient rien. Pourtant, ces personnes n’ont jamais été embêtées. Je ne dis pas qu’elles mentent, je ne peux me le permettre, mais bon. Je n’ai jamais menti. Sur l’étonnement de mon deuxième passage sur les lieux, ça a été vérifié. Idem sur le lien entre les individus sur le chantier et ceux qui ont franchi le grillage. J’essaie de vous dire que si je suis là, c’est que je me suis toujours attaché à la stricte vérité. »
La sensibilité et l’honnêteté du policier auront servi à prouver sa bonne foi, son humanité : un policier qui pleure peut-il laisser mourir un adolescent ? On pourrait bien sûr se demander si Gaillemin pleure son implication dans la mort de deux adolescents, ou plutôt le fait d’avoir été le seul, presque, à être mis en examen. Mais c’est le genre de doutes dont ne s’embarrasse pas le président qui, convaincu des douleurs du prévenu, décide de marquer une longue pause afin que les audiences puissent être reprises « dans la sérénité ». D’ordinaire, pourtant, lorsqu’un prévenu craque à la barre, le président en profite pour le pousser dans ses retranchements, et pourquoi pas, lui faire avouer de nouveaux faits. Gaillemin n’avait donc pas de quoi pleurer sur son abandon au milieu de la cour : les juges ont toujours été de son côté.

Ce procès était donc une mascarade, dénoncée par Tordjman de la façon suivante : « L’infraction intentionnelle est caractérisée par la conscience du péril et la qualité de la personne qui porte secours, un policier, par la qualité des poursuivis, des enfants, et le déroulé des faits parlant d’eux-mêmes. Obligation de porter assistance. Premièrement provoquer les secours, deuxièmement porter assistance. Obligation de moyens ! Pas de résultats ! Le fait de n’avoir rien fait établit l’abstention volontaire ! ».

Et justement, tout dans la mise en scène de Rennes réside dans la différence entre la qualité du policier et la qualité des enfants.

Ainsi, presque personne n’a questionné ce qui est au fond le plus étonnant dans toute cette histoire : pourquoi une telle chasse ? Pourquoi un tel acharnement ? La défense aura réussi, avec la complicité de la cour, à disculper les prévenus des charges qui pesaient sur eux. Mais il fallait aussi justifier l’action de la police et, pour cela, il fallait incriminer les victimes adolescentes. Ce fut, du reste, la stratégie immédiatement adoptée par N. Sarkozy et la Sous-direction de la Police judiciaire du 93 : affirmer que les dix jeunes poursuivis avaient commis un vol. Depuis que l’on sait qu’aucun vol n’a été commis, d’autres moyens ont été mis en oeuvre pour écorner l’image des adolescents et affirmer que la chasse avait ses raisons d’être.
À plusieurs reprises, à Rennes, ce sont les victimes qui ont été traitées comme les coupables. Le traitement réservé à Muhittin par le président d’audience est exemplaire à cet égard. Tous les moyens habituels qui permettent d’humilier un prévenu sont là. Les premières questions posées concernent son état psychologique, et sont l’occasion de citer, devant toute l’audience, les éléments d’un rapport d’expertise psychiatrique. Le président poursuit en faisant remarquer à Muhittin que son père aurait travaillé illégalement en France. Cette question abjecte, et hors de propos, agace évidemment Muhittin qui se trouve progressivement pris dans une chasse juridique. Le président lui demande de s’expliquer sur les « crises incontrôlées » qu’il a traversées suite au drame d’octobre 2005. Il lui demande ensuite s’il a « des problèmes avec la justice ». Muhittin qui reconnaît que, « comme tout le monde », il s’énerve de temps à autre, répond alors au président : « Je me suis fait tabasser par la police plusieurs fois. Ça a été classé sans suite. Donc y a des moments, voilà… ». Le président, si soucieux de respecter la douleur des policiers, se montre moins attentif aux plaintes de Muhittin, qui pourtant sont accablantes : « Quand je suis sorti de l’hôpital, j’ai fait des efforts. J’ai travaillé. J’étais préparateur de sandwich. J’ai été interpellé par l’avocat des policiers [Merchat], il a voulu me faire croire que j’allais aller en prison. Il voulait me défendre et m’a dit que c’est moi qui avais besoin de lui, mais j’avais déjà mes avocats ».

À Rennes, Muhittin a dû répondre de sa personnalité sans que jamais ce qu’il avait à dire ne soit écouté. Depuis le début lui a été déniée la capacité de s’exprimer. Par exemple, l’avocat Mignard a fait remarquer au tribunal que, lors de son audition à l’hôpital le 28 octobre 2005, « le mot "guet" ne faisait pas partie du vocabulaire de Muhittin ». Réponse du président : « Nous savons bien que parfois les policiers retranscrivent l’esprit, et pas les mots ». Quel était donc l’esprit de la phrase prononcée par Gaillemin à 17h32 le 27 octobre 2005 ?

Toutes les possibilités qui ont été offertes aux policiers pour se défendre ont été refusées aux parties civiles parce que les uns et les autres n’ont pas été traités de la même façon. À Rennes, les policiers poursuivis ont été considérés comme des personnes. On a écouté leurs pleurs et leurs doutes, on a pris en compte leur complexité. On a ainsi pu s’épargner de juger les pratiques de la police ; et l’on sait tout l’avantage qu’il y a pour le pouvoir à considérer la personnalité des policiers plutôt que la police en tant que système.

Ici, précisément, prendre en compte l’humanité des deux prévenus permettait de les disculper. La relaxe prononcée le 18 mai dernier explique ainsi que, dans l’impossibilité de prouver le caractère volontaire de la prise de risque, « en toute hypothèse le doute doit profiter » aux prévenus. Et va même jusqu’à dire « qu’il résulte de l’examen de la personnalité de Sébastien Gaillemin à l’audience qu’il apparaît tout à fait probable que s’il avait effectivement eu conscience de l’existence d’un péril grave et imminent, il n’aurait pas manqué de réagir d’une manière ou d’une autre, y compris d’ailleurs en allant au besoin jusqu’à se mettre lui-même en péril ».

Lorsqu’il s’agit de policiers, c’est une justice d’exception qui s’applique, les tribunaux de France jugent des intentions et non pas des faits. Comme ces policiers condamnés à des peines symboliques pour la mort d’Abdelhakim Ajimi : le tribunal avait estimé que leur intention n’était pas de l’étrangler jusqu’à ce qu’il meure. Le résultat, la mort d’Abdelhakim Ajimi, n’a pas compté, seule leur intention. Pour les autres, il est rare d’observer une telle clémence. La relaxe n’a fait que traduire la position des policiers : le juge a nié aux familles la légitimité de poursuivre les prévenus parce que, d’une certaine façon, ce procès ne devait pas avoir lieu.
Et l’on pourra dire, de fait, que le procès n’a pas eu lieu. Poursuivis pour non-assistance à personne en danger et non pour homicide involontaire, les policiers n’ont jamais été réellement mis en cause dans cette affaire. Tout se passe comme si c’est moins l’opération policière qui était jugée que les révoltes de novembre et la « sauvagerie » des adolescents de Clichy. Mignard dénonçait à la sortie du procès le risque de voir s’installer un « apartheid judiciaire ». Il ignore, ou feint d’ignorer, que cet apartheid existe déjà. Qu’il est un apartheid social, politique, racial, économique, dont la chasse de Clichy et les révoltes sont une des manifestations les plus marquantes.

Et le procès a été une autre traduction de cet apartheid. Il y avait, sur le banc des accusés, des personnes. En face d’eux, les victimes, n’étaient pas traitées comme telles. Elles étaient considérées d’abord comme un profil, celui du jeune des quartiers populaires dont les parents sont nés ailleurs. Les communications radio écoutées les troisième et quatrième jours d’audience sont à cet égard instructives. Voici ce que déclare Sébastien Marronnier sur les ondes : « Nous avons reçu un appel du standard pour un vol sur un chantier. J’ai vu un jeune « de type A » qui faisait le guet. Il a prévenu de notre présence, probablement a-t-il sifflé ou fait un geste. J’ai vu deux Africains et me suis lancé à leur poursuite. […] Ils étaient huit individus en tout, parmi eux il y avait les deux que je cherchais. »
Chaque fois qu’un jeune de quartiers populaires passe devant un tribunal, il n’est pas jugé comme une personne mais d’abord comme un profil, avec lequel l’examen de personnalité doit coller. Le refus de considérer ces jeunes comme des personnes s’observe en particulier dans un aspect crucial : le refus de prendre en compte leur peur.

LA PEUR
La peur suscitée par les policiers aurait en effet dû être au coeur du procès : elle explique non seulement la fuite des adolescents mais aussi la violence des opérations que mènent les policiers dans les quartiers populaires. Cette peur a pourtant été constamment évoquée par les différents adolescents poursuivis par les policiers le 27 octobre 2005. A.V., âgé de 16 ans lors des faits, déclare ainsi au juge d’instruction : « On a fui par peur de la police. Et habituellement, vous courrez quand vous voyez un policier ? Oui, chaque fois que je vois un policier, je cours. » A.C. confirme « Les policiers sont venus nous chercher, on avait peur. J’ai couru parce que j’ai vu les autres courir. » Un habitant du quartier explicitait, dès 2005, les raisons de cette peur : « Les policiers viennent du Raincy ou de Livry, là où il y a des Français. Quand ils viennent ici, ils nous disent : "Mets-toi contre la voiture, bouffon" et après ils disent que c’est nous les malpolis. Même si on n’a rien, rien fait, ils nous traitent de "petits pédés". [14] »

À Rennes, c’est aussi la peur qu’a invoquée Muhittin pour expliquer la fuite du 27 octobre : « Je ne savais pas ce que je faisais car j’avais très peur. […] Les policiers m’ont dit que j’avais essayé de voler quelque chose. Je leur ai dit que non, je leur ai dit que je n’avais rien fait. J’ai fui par peur. » Lorsque Zyed, Bouna et lui s’approchent du portail principal du site EDF pour en sortir, il se souvient : « On a entendu le frein à main de la voiture qui allait vraiment très vite. On avait très peur, on ne savait pas quoi faire. » A la question du président, « la peur, c’est dans votre esprit à vous ou c’est le résultat d’une discussion avec Zyed et Bouna ? », Muhittin répond : « On avait tous très peur c’est tout. Je me suis retourné et on n’était plus que trois. » Et lorsque le président lui demande de préciser leur trajet exact il déclare : « C’est la peur. C’est comme maintenant, là je suis devant vous et j’ai peur monsieur le président. Donc des fois je ne sais plus. Je n’avais pas envie de m’arrêter et de tout prendre pour les autres, de me faire tabasser ou je sais pas. […] J’avais peur depuis le début, je ne savais pas quoi faire. Il y avait les panneaux. Je m’imaginais bien que c’était dangereux. J’avais peur de tout prendre même si j’avais rien fait. Quand vous vous faites arrêter par la police et que vous êtes le seul arrêté, on vous met tout sur le dos. » Depuis, Muhittin a eu d’autres occasions d’avoir affaire aux forces de l’ordre, et ses peurs ont été confirmées : « Je me suis fait tabasser par la police plusieurs fois, pendant un simple contrôle ».

Ce sont des histoires vécues, vues, ou entendues, qui s’impriment dans les corps et dans les réflexes ; ce sont des coups portés, des comportements de prédateur, des bruits d’engins motorisés violents ; en un mot, ce sont les opérations régulières de la police dans les quartiers populaires, qui expliquent la peur décrite par Muhittin. En cela, le drame de Clichy-sous-Bois n’est pas exceptionnel. Il est le produit logique, nécessaire même, du fonctionnement normal de la police.

23 mai 2002, Mohammed Berrichi meurt en chutant à scooter lors d’une course-poursuite avec la BAC à Dammarie-lès-Lys. Immédiatement l’hypothèse d’un éventuel choc est formulée. Le 24 mai, le parquet de Melun déclare : « On peut s’interroger sur les raisons qui ont poussé Berrichi Mohamed à se soustraire au contrôle de la police ». Les proches de Mohammed, eux, s’interrogent plutôt sur les circonstances de sa mort et sur l’implication des policiers. « À l’heure actuelle, on ne sait pas comment ça s’est passé. On n’a pas de témoignage. La vérité. On va dire la vérité : on n’a pas de témoignage qui dit "Voilà, ils l’ont touché". Mais il y a tellement d’ancienneté, d’anecdotes qui se passent, ils ont une telle habitude de violence, ils ont une telle habitude d’un comportement discriminatoire qu’on ne croit pas dans ce qu’ils disent, qu’on ne croit pas dans leur version [15] ».

Insister sur la peur de la police, détailler son origine, son fonctionnement, sa transmission aurait permis de renverser le sens de ce procès. Au lieu de témoins de moralité, venus certifier l’humanité des habitants de Clichy-sous-Bois, on aurait eu des témoins venus parler de cette peur, des logiques policières, politiques, sociales, raciales qui font que pour certaines populations, la peur de la police s’observe, s’entend, puis s’apprend, s’infiltre dans l’esprit, la chair et les muscles. Voilà ce dont auraient pu témoigner les proches de plusieurs personnes décédées en fuyant la police, en chutant de leur deux-roues comme Malek Saouchi [16], en se noyant dans la Seine comme Youssef Mahdi [17], en chutant du deuxième étage d’un immeuble comme Morad Touat [18].

Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi, à Clichy comme ailleurs, les incursions de policiers dans un quartier sont vécues comme une agression. Cette peur de la police est un sentiment également lié à l’évolution des pratiques policières et judiciaires : la multiplication des procédures pour outrage et rébellion ou des arrestations pour détention et/ou consommation de cannabis ; la création de nouveaux délits tels que l’occupation de hall d’immeuble ou le « tapage diurne » ; le nombre croissant d’incarcérations pour conduite sans permis ; la législation toujours plus dure sur la récidive ou les peines planchers ; la suspicion généralisée permise par la batterie de lois « antiterroristes ».

Et, au fond, qui peut être plus touché par cette peur sinon les personnes dont le mode de vie même est criminalisé ? Qui, sinon les habitants de quartiers à « reconquérir » ? Qui, sinon des personnes constamment soumises au régime humiliant et destructeur de la chasse, qu’elle prenne la forme d’une course-poursuite avec des policiers suréquipés, ou celle de poursuites judiciaires s’appuyant sur un dispositif législatif toujours plus pénalisant ?

Tous les éléments évoqués dans ce procès montrent que, pour les policiers comme pour le tribunal, les adolescents de Clichy ne sont pas des personnes. Ce sont des « individus de type A. ou N.-A. » à chasser, à fouiller, à interpeller, à interroger. Des individus condamnés par avance du fait de leurs origines et qui parce qu’ils ne sont pas considérés comme des personnes et dont les affects sont disqualifiés comme des fantasmes ou de la mythomanie : leur peur est tout simplement inaudible.

Que la police fasse peur est dans l’intérêt de tout gouvernement. Cette peur doit conduire à la reddition immédiate et sans condition. Or à Clichy, la peur de la police s’est exprimée par une fuite. C’est-à-dire, déjà, par un refus : d’être brimé, tabassé, humilié. Cette peur ne vient pas de nulle part, non seulement parce qu’elle est la réponse logique aux agissements des policiers. Mais aussi parce qu’elle est issue de la mémoire des exactions policières transmise dans tous les quartiers de France. Il n’est pas besoin d’avoir été frappé par un policier pour savoir ce qui se prépare derrière une interpellation.

Cette peur est donc ignorée du tribunal parce qu’elle est doublement subversive : elle dit à la fois la violence des pratiques policières et l’existence d’un refus à leur égard. Elle dit à la fois que la police ne protège qu’une partie seulement de la population et qu’une autre partie de la population n’accepte pas cet état de fait. Ce refus a pris la forme d’une fuite le 27 octobre 2005, et quelques jours plus tard, de plusieurs semaines de révoltes dans toute la France. Ce ne sont pas comme des individus isolés que les habitants des quartiers se sont révoltés, mais bien comme des personnes liées entre elles, avec leurs sentiments, leur sens de la solidarité, leur sens de la justice. Et au vu de la relaxe prononcée le 18 mai, ces révoltes apparaissent en effet comme la seule forme de justice.

Le procès de Rennes aura été une autre occasion de montrer qu’il est logique et légitime, pour un jeune des quartiers populaires, d’avoir peur de la police, de ses moyens, de ses méthodes, de ses objectifs, de son racisme, de son fonctionnement. Face à cette peur, la relaxe aura transmis le message suivant : « les policiers sont intouchables » comme le dira le frère de Zyed. Or la peur de la police est autant liée aux pratiques des policiers qu’à leur impunité. La relaxe prononcée le 18 mai ne peut donc que faire augmenter cette peur. Le jugement de l’affaire est la promesse que d’autres du même type suivront.

[1Voir « Homicides, accidents, "malaises" : 50 ans de morts par la police », Bastamag.

[2Voir Comité Vérité et Justice pour Abdelhakim Ajimi, « On a beau faire, la justice en France, ça n’existe pas », dans Permis de tuer. Chronique de l’impunité policière, Syllepse, 2014.

[3Voir Collectif Angles Morts, « Aveugle, sourd et muet. Retour sur le procès du flic responsable de la mort de Lakhamy et Moushin », http://indigenes-republique.fr/aveugle-sourd-et-muet/.

[4Eric Raoult, le maire du Raincy avait déclaré en décembre 2005, dans une interview au journal d’extrême-droite Minute, en parlant de Clichy-sous-Bois : « Cette ville fait honte à notre pays ». Il en appelait à la « mise sous tutelle » de la ville. Ailleurs, il avait évoqué le projet de construire une barrière pour séparer Clichy-sous-Bois de la commune du Raincy. Il sera le premier à imposer le couvre-feu dans sa commune, avant même que ne soit décrété l’état d’urgence.

[5Il s’agit du grillage séparant l’espace boisé en forme de triangle du mur d’enceinte EDF. Voir le plan.

[6Le langage policier, tout comme les fichiers de la police comme le Canonge et le STIC, fonctionne à travers des catégories « ethno-raciales ». Ces fichiers distinguent dix « types », le langage d’intervention des policiers emprunte en partie à ces catégories avec des abréviations propres, comme ici « type A » pour « type africain » ou « N.-A. » pour « Nord-africain ». Contrairement à l’idéologie républicaine, où tous les citoyens sont censés « être égaux devant la loi » sans distinction d’aucun type, on voit que le fonctionnement de la police, comme celui d’autres institutions, repose sur une division de la population selon des catégories raciales.

[7Voir, Quartiers libres, « Pour Zyed et Bouna : une condamnation à nous battre », 19 mai, https://quartierslibres. wordpress. com/2015/05/19/pour-zyed-et-bouna-une-condamnation-a-nous-battre/ : « Au 30 novembre 2005 : 4 770 interpellations, dont la moitié après la fin des incidents ; 4 402 gardes à vue ; 763 individus écroués, dont plus d’une centaine de mineurs ; 422 majeurs condamnés en comparution immédiate ; 152 personnes ont fait l’objet d’une convocation dans un délai de dix jours à deux mois. Sur les faits les plus graves, 135 informations judiciaires ont été ouvertes ; Environ 75 % des procès ont débouché sur de la prison ferme. »

[8Cité dans Zineb Dryef, « Clichy-sous-Bois : A quand un procès pour Zyed et Bouna ? », Rue89, 14 juin 2010.

[9Idem.

[10L’agent judiciaire de l’État est le représentant du Trésor public. Lorsqu’un agent public, ici les deux fonctionnaires de police, est poursuivi dans une procédure pénale, l’administration doit couvrir financièrement les condamnations si le tribunal juge que les faits ont pour origine une faute de service, que les policiers en question sont coupables et que les familles ont droit à un dédommagement.

[11Productrice du film L’embrasement, un docu-fiction inspiré du livre L’affaire Clichy. Morts pour rien, écrit par Mignard et Tordjman.

[13Cité dans un entretien avec Emmanuel Tordjman, L’Humanité, 31 octobre 2012.

[14Cité dans Ariane Chemin, « Le dernier jour de Bouna Traoré et Zyed Benna », Le Monde, 7 décembre 2005.

[15Cité dans Emmanuelle Cosse, Fabien Jobard, « Avant-propos », Vacarme, n°21, octobre 2002.

[16Voir Collectif Angles Morts, Vengeance d’État. Villiers-le-Bel : des révoltes aux procès, Syllepse, 2011.

[18Voir Collectif Angles Morts, « Le "bâtiment de la mort". Vérité et Justice pour Morad », http://www.bboykonsian.com/Le-batiment-de-la-mort-Verite-et-Justice-pour-Morad-_a3231.html.